Bulwer-Lytton Edward - La Race future ou la race à venir


Auteur : Bulwer-Lytton Edward George Earle
Ouvrage : La Race future ou la race à venir
Année : 1871

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PRÉFACE à la Traduction française de 1888. Le livre que nous avons sous les yeux est bien un roman, mais ce n’est pas un roman comme les autres, car l’auteur s’est proposé de nous raconter non ce qui aurait pu arriver hier, ou autrefois, mais ce qui pourrait bien arriver dans quelques siècles. Les moeurs qu’il dépeint ne sont pas les nôtres ni celles de nos ancêtres, mais celles de nos descendants. Il imagine bien une petite fable à la Jules Verne, et feint de supposer que la « Race future » existe dès maintenant sous terre et n’attend, pour paraître à la lumière du soleil et pour nous exterminer, que l’heure où elle trouvera son habitation actuelle trop étroite. Mais cet artifice de narration ne trompe personne, et il est évident que Bulwer Lytton a voulu nous donner une idée de la façon de vivre et de penser de nos arrière-neveux. C’est là une ambition légitime, quoique l’entreprise soit singulièrement hardie. Il est permis de chercher a deviner ce que l’avenir réserve à notre espèce. On connaît le chemin qu’elle a parcouru ; on peut dire où elle va. Sans doute on risque fort de se tromper, mais un romancier ne répond pas de l’exactitude de ses tableaux et de ses récits ; on ne lui demande qu’un peu de vraisemblance. Quelquefois même on est moins exigeant et l’on se contente d’être amusé. Les Voyages de Gulliver manquent absolument de vraisemblance, ce qui ne les empêche pas d’être un chef-d’oeuvre souvent imité, jamais égalé. Il est vrai que les fictions de Swift ne sont que des vérités déguisées et grossies, et qu’il a écrit sous une forme divertissante la plus amère satire qu’on ait jamais faite d’un peuple, d’un siècle, et même du genre humain. L’auteur de la « Race future » a dû penser à son illustre devancier, car son héros est, chez les hommes du vingt-cinquième ou du trentième siècle, ce que Gulliver lui-même est chez les chevaux du pays des Houyhnms, le représentant d’une civilisation inférieure, un barbare ignorant et corrompu en excursion chez les sages. Il y a seulement cette différence que les chevaux de Swift ne sont que vertueux et heureux, tandis que les « Vril-ya » de Bulwer sont, en outre, fort savants. La vertu et le bonheur ne nous donneraient plus l’idée d’une supériorité complète si l’on n’y joignait une grande puissance industrielle fondée sur une connaissance approfondie des secrets de la nature. Le monde a marché, depuis le temps de la reine Anne, et on ne se moque plus des émules de Newton ; c’est au contraire sur eux que l’on compte pour changer la face des choses. Mais il est bien malaisé d’imaginer des hommes infiniment plus savants que nous : les grandes découvertes ne se devinent qu’à moitié. Il est, au contraire, facile d’imaginer des hommes meilleurs que nous ; les modèles abondent sous nos yeux, et le peintre de l’idéal trouve dans la réalité tous les éléments du tableau qu’il veut tracer. Quand Bulwer suppose que nos descendants seront maîtres d’un agent plus subtil et plus fort que l’électricité, et qu’ils auront perfectionné l’art de construire des automates jusqu’à peupler leurs habitations de domestiques en métal, on est tenté de le trouver bien téméraire. Mais quand il nous montre une société où la guerre est inconnue, où personne n’est pauvre, ni avide de richesses, ni ambitieux, où l’on ne sait ce que c’est qu’un malfaiteur, nous demeurons tous d’accord que c’est là une société parfaite. Malheureusement l’auteur ne prouve pas que les merveilleux progrès scientifiques qu’il est permis d’espérer doivent avoir pour conséquence un progrès non moins admirable de la moralité humaine, ni que les hommes soient assurés de devenir plus raisonnables que nous quand ils seront devenus bien plus savants. Comme un roman n’est pas une démonstration,. l’auteur n’était pas obligé de nous persuader que les choses se passeront exactement comme il l’admet. Il aurait d’ailleurs pu répondue que l’humanité est libre et qu’elle fera peut-être de sa liberté un excellent usage. Il n’affirme pas qu’elle sera un jour aussi raisonnable qu’il dépeint les Vril-ya : mais cela dépend d’elle, et i appartient aux philosophes de bien tracer le tableau d’une idéale félicité pour l’encourager à marcher d’un pas plus rapide dans la voie qui y conduit. Assurément Bulwer a voulu nous représenter un état de civilisation où les hommes jouiraient de la plus grande somme de bonheur que comporte leur condition mortelle ; il a voulu aussi nous apprendre quelles sont les conditions de cet état supérieur, sur quelles institutions et sur quelles croyances doit être fondée la cité de ses rêves. Il a écrit son Utopie, comme tant d’autres comme Platon, comme Thomas Morus, comme Fénelon, comme Fourier. Il n’a pas non plus échappé aux pièges où sont tombés ses devanciers. Il n’accomplit que la moitié de sa tâche, et nous donne bien l’idée d’une humanité parfaitement sage, mais non d’une humanité parfaitement heureuse. Les Vril-ya ont peu de besoins, et la satisfaction de leurs besoins leur coûte peu d’efforts ; l’outillage de l’industrie est si perfectionné, que le travail est réservé aux seuls enfants. Les adultes n’ont rien à faire, pas de luttes à soutenir, pas de dangers à éviter. Ils se promènent ; ils causent ; ils se réunissent dans des festins où règne la sobriété ; ils entendent de la musique et respirent des parfums. Comme ils doivent s’ennuyer ! Ils n’ont ni les émotions de la guerre, ni les plaisirs de la chasse, car ils sont trop doux pour s’amuser à tuer des bêtes inoffensives. Ceux d’entre eux qui ont l’esprit aventureux peuvent fonder des colonies, mais ils ne courent aucun risque, et, d’ailleurs, la place finira par leur manquer. Ou bien ils s’appliquent à inventer des machines nouvelles et à faire avancer la science, ce qui ne doit pas être à la portée de tout le monde, dans une civilisation déjà si savante et si bien outillée. Ils n’ont même pas une littérature très florissante et sont obligés de relire les anciens auteurs, pour y trouver la peinture des passions dont ils sont exempts, des conflits qui ne sont plus de leur siècle. Cette tranquillité d’âme se reflète sur leur visage qui a quelque chose d’auguste et de surhumain, comme le visage des dieux antiques ; ce sont des hommes de marbre. Ils ne vivent pas. Des hommes médiocres ont pu décrire l’enfer d’une manière saisissante ; le génie même est impuissant à donner une idée du paradis, qu’on le place sur cette terre ou dans une autre vie. C’est que le bonheur suppose l’effort et la lutte : or il n’y a pas d’effort sans obstacle, de lutte sans adversaire. Nous ne pouvons pas, tels que nous sommes, imaginer la félicité dans le repos perpétuel, sans combat et sans risque, c’est-à-dire sans le mal. Une société pourvue d’institutions et de moeurs idéales, supprimant ou réduisant à 1’extrême le risque et le mal, assurerait à ses membres un bonheur que notre raison peut à la rigueur concevoir, mais qui échappe complètement à notre imagination. Supprimez par la pensée le chien, le loup et le boucher ; supposez un printemps perpétuel et des prés toujours verts sous un soleil toujours modéré : les moutons ne nous ferons pas encore envie. Or on a beau faire : il y a toujours dans le paradis un peu de moutonnerie, même quand on y met beaucoup de musique, beaucoup de parfums, et toutes les merveilles de. la mécanique. Parfois, quand nous sommes fatigués, quand nous sommes indignés, quand nous sommes découragés, nous rêvons un monde meilleur, où le travail soit facile, où l’on n’éprouve point de désir qui ne soit satisfait, et d’où l’injustice soit rigoureusement bannie. C’est ainsi que le matelot, las d’être ballotté par les vagues, rêve les loisirs et la sécurité de la terre ferme ; mais dès qu’il se sera refait, il voudra de nouveau s’embarquer : le danger et la peine l’attirent bien vite ; s’il se résigne à ne plus quitter le sol, c’est qu’il est vieux et usé. Quand les années l’attacheront au rivage, il enviera le sort de ses enfants ; il enviera leurs souffrances et leurs périls, leurs courtes joies et leurs longs labeurs. Il rêvera encore, mais avec tristesse, avec de poignants regrets : il rêvera au temps où il hasardait sa vie pour conquérir ce repos maintenant odieux. Un jour, peut-être, l’humanité, assagie et pacifiée, se souviendra de nos siècles de lutte et d’agitation. Alors les jeunes gens se plaindront de n’être pas nés dans un siècle plus troublé, de ne pouvoir dépenser leur force, de ne point trouver d’adversaires à combattre, d’obstacles à vaincre, d’aventures à courir. Les hommes perfectionnés de Bulwer porteront envie aux barbares que nous sommes. Ils se plaindront, plus justement que Musset, d’être venus trop tard dans un monde trop vieux. Si l’auteur de « la Race future » n’a pas mieux réussi que ses illustres devanciers à exciter notre enthousiasme en faveur de cet idéal qui ne reste séduisant que quand il reste vague, qui pâlit et s’efface dès qu’on veut l’enfermer en des contours précis, il a pourtant écrit un livre singulièrement intéressant, qui amuse l’imagination et qui fait penser. Il soulève, en passant, bien des questions ; il pose bien des problèmes : s’il ne lest résout pas toujours à notre gré, il nous donne du moins le plaisir de voyager rapidement à travers les idées, les systèmes, les théories de la morale. Ajoutons que, dans un temps où les Anglais paraissent enclins à admirer presque exclusivement les triomphes de la force et les exploits de la conquête, on est heureux de voir passer dans notre langue un livre écrit par un illustre écrivain anglais, pour tracer et faire aimer l’image d’une civilisation fondée sur la justice, la paix et la fraternité. RAOUL FRARY. ...

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