D'Irisson Maurice - La chasse à l'homme Guerre d'Algérie


Auteur : D'Irisson Maurice (Le comte d'Hérisson)
Ouvrage : La chasse à l'homme Guerre d'Algérie
Année : 1891

Lien de téléchargement : D_Irisson_Maurice_-_La_chasse_a_l_homme_Guerre_d_Algerie.zip

Malgré tous les ouvrages qui ont été publiés sur l’Algérie, une interpellation au Sénat, qui a pris les proportions d’un véritable événement, m’a porté à croire que le moment est bien choisi pour ajouter un nouveau volume à ceux qu’on a déjà consacrés à notre grande colonie, volume qui a le mérite de révéler beaucoup de faits inconnus et dont l’accent de sincérité n’échappera à personne. La peine que j’ai prise de le composer témoigne que, pour mon compte, j’ai cru fermement qu’il devait servir à mon pays. Le mouvement irrésistible qui entraîne, à l’heure actuelle, Français, Allemands, Anglais, Belges et Italiens, vers le continent noir, et dans lequel se précipitera bientôt forcément l’Espagne, à la suite des signes de prochaine dissolution dont l’empire du Maroc est menacé par de formidables révoltes, ce mouvement a son point de départ, son idée géniale dans notre magnifique développement sur les plus belles régions du nord de l’Afrique. Il est né autant d’un peu de jalousie que du besoin qu’éprouvent les nations de s’étendre et de s’agrandir, pour créer des déversoirs au trop plein de leurs populations, détourner leurs émigrants de l’Amérique, et détruire la concurrence écrasante que fait celle-ci aux produits de plus en plus restreints de leur sol, au moyen de vastes cultures dans des colonies leur appartenant. Nous ne pouvons le trouver mauvais, n’ayant point à exhiber le plus petit testament d’Adam qui nous constitue seuls propriétaires ; mais la consolation nous est facile, puisque nous avons certainement la meilleure part à notre porte, et que le Transsaharien, en nous mettant en communication directe avec nos possessions plus lointaines, nous fera coparticipants aux avantages des pays que nous ne posséderons pas. Alger, qui tient Tunis, sera donc la véritable capitale de l’Afrique française, de la Méditerranée au lac Tchad, à l’océan Atlantique et au Congo. De là rayonnera notre influence, et de là aussi partiront, il ne faut pas se le dissimuler, des troupes expéditionnaires. Le Sahara n’est pas aussi inhabité qu’on le croit généralement, et les Touaregs et les Mores peuvent vouloir jouer avec les trains-éclairs. Nous allons nous heurter, dans les immenses espaces, à des peuplades inconnues, surgissant, comme de sombres apparitions, sur la mer tourmentée des dunes de sable mouvant, et toujours prêtes pour la guerre. Nous souviendrons-nous que les puits artésiens d’un simple ingénieur dans l’Oued-Rhir ont plus fait pour nous attacher les hommes du Souf que nos généraux, suivis d’interminables colonnes ? Ou, reprenant des traditions moins semeuses de progrès et d’idées que de hauts faits d’armes et de bulletins parfois mensongers, commencerons- nous par tuer une partie des gens et ruiner le reste, pour essayer de les civiliser après ? Ce sont ces traditions néfastes, qui ne forent pas de puits, mais ouvrent entre les peuples d’infranchissables abîmes, que j’ai voulu tirer de l’ombre, où elles sommeillent peut-être plus qu’elles n’y sont mortes, pour en montrer les conséquences et plaider la cause du nomade et du sauvage contre l’Européen. Elles ont éternisé la lutte en Algérie et compromis plus d’une fois la conquête et la colonisation, en mettant toujours le gantelet du soudard là où le gant de l’homme civilisé aurait souvent Mieux réussi. Le gouvernement de l’Algérie va passer dans d’autres mains ; quelles seront-elles ? Un homme était désigné : M. Étienne, sous-secrétaire d’État aux colonies, mais M. Étienne est député d’Oran, et son choix pourrait lui faire des jaloux, parmi ses collègues même de la représentation algérienne. C’est fâcheux, à mon avis. J’ai choisi de notre histoire dans ce pays l’époque la moins connue, celle qui a le moins tenté la plume des écrivains. La grande guerre est finie. On ne s’aligne plus face à face; on se traque vingt contre un, on s’assassine, et ce ne sont pas toujours les barbares qui paraissent les plus impitoyables. Selon mon habitude, j’ai fait appel aux témoignages, j’ai demandé des renseignements aux hommes de bonne foi qui ont été mêlés aux événements de cette période, et ils ne m’ont ménagé ni les documents ni les souvenirs. Un officier supérieur, aussi modeste qu’instruit, brave soldat et bon patriote, a bien voulu me confier le journal qu’il tenait lorsque, jeune sous-lieutenant, rêvant de combats héroïques, il suivait les chasses à l’homme froidement organisées, et assistait aux pillages à main armée auxquels répondaient le guet-apens et les têtes coupées en trahison. Je donne son récit presque tout entier, sauf les remaniements indispensables, sans autres réticences au sujet de ses appréciations fréquemment très vives, que celles dues aux familles de certains personnages qui, pour eux-mêmes, ne mériteraient pas tant d’égards. C’est une des nécessités de l’histoire contemporaine et elle a l’inconvénient grave d’induire en erreur la postérité, en jetant un voile sur bien des tares et les faisant bénéficier de l’absolution du silence ; mais Juvénal ni Pétrone ne sont plus de saison et eux-mêmes n’ont pas tout dit. J’ai complété ce journal précieux, base de mon travail, avec tout ce qui a été mis à ma disposition de divers côtés. J’y ai joint ce que m’a dit personnellement le général Cousin de Montauban, comte de Palikao, dont j’ai été le secrétaire- interprète, et je crois être parvenu à peindre un tableau fidèle, où je n’ai flatté ni les vaincus ni les vainqueurs, m’efforçant de traiter les uns et les autres avec une égale justice et la même impartialité froide, en ne disant que la vérité, sans passion comme sans faiblesse. Quelques personnes trouveront peut-être excessif le titre de ce livre. Il y a, en effet, quelque chose à dire contre lui et je vais le dire tout à l’heure, mais l’idée fondamentale de mon travail le comportait et je l’ai maintenu. « La chasse à l’homme », c’est la guerre des civilisés contre les Peaux-Rouges, qui a préparé les destinées du nouveau monde. La guerre d’Afrique a eu un tout autre caractère. C’était bien une guerre, une vraie guerre, très dure, très laborieuse, très difficile, mais sui generis. Le lecteur en jugera. Ce sui generis, notre incommensurable vanité s’est refusée à en saisir la mesure. Elle a vu dans les soldats de la guerre d’Afrique les continuateurs de ceux d’Austerlitz et d’Iéna, les précurseurs des futures grandes victoires en Europe, et dans les généraux, heureux à cette guerre, des éminents, des illustres, des capitaines d’armée. Ils le crurent de très bonne foi et on a vu le plus insigne vaniteux d’entre eux (qui, de toute sa vie militaire, n’avait commandé que 1900 hommes au combat de l’Oued-Foddah) dire solennellement à la France menacée, sans rire et sans faire rire, « qu’il avait l’habitude de vaincre et l’art de manier les troupes ». Jusqu’à sa mort il est resté grand capitaine, et sur sa tombe, en termes olympiens, on le lui a dit. La nation, l’armée, ont vécu dans ce périlleux mirage jusqu’en 1870, convaincus que le principe algérien du « débrouillez-vous », qui suffisait devant les Arabes, suffirait partout. Nos victoires de 1859, en Italie, l’affirmaient surabondamment, autre mirage pire encore que le premier, car il nous confirma définitivement dans l’abandon des études attentives, des comparaisons qui éclairent, des persévérants efforts qui créent pendant les longues paix le progrès des armes et préparent les succès des guerres à venir. Voilà pourquoi la continuité et la diversité de nos guerres ont beaucoup moins bien servi notre état militaire, que soixante ans de paix merveilleusement employés n’ont servi l’état militaire prussien. Au surplus, la question très intéressante de l’influence qui fut loin d’être unique, mais qui fut, je pense, principale, de nos traditions militaires algériennes sur les événements de 1870, ne peut être ainsi traitée en quelques lignes ni même en beaucoup de lignes ; mais j’ai cru de mon devoir de la signaler. COMTE D’HÉRISSON. Je reproduis sur la couverture de ce volume un dessin original fait par Horace Vernet et qui mérite que je lui consacre quelques lignes. Un soir, après dîner chez mon père, le Maître, à la suite d’une conversation sur l’Algérie, trempa sa cigarette dans l’encrier, en guise d’estompe, et s’en servit pour esquisser, avec quelques traits de plume, la tête d’un des khalifas d’Abd-el-Kader, qui l’avait particulièrement frappé. ...

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