Dumitresco Grégoire - L'Holocauste des âmes


Auteur : Dumitresco Grégoire
Ouvrage : L'Holocauste des âmes Relation inopportune d'un crime contre l'humanité
Année : 1997

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A la mémoire de Dumitru Bacou qui le premier fit la lumière sur l'horreur ici décrite. Préface de l'éditeur. Il ne s'agit pas de fiction. Encore moins de science. De technique, assurément. La ville de Pitesti, en Roumanie, a abrité, entre 1949 et 1953, un de ces laboratoires de cauchemar, mais, hélas, trop réels, où des spécialistes expérimentèrent un procédé de destruction intégrale de l'homme. Les résultats obtenus prouvent que la transformation de l'homme en robot, plus décisive que la désormais banale domination de l'homme par le robot, peut s'obtenir assez vite si l'on exploite toutes les ressources de la souffrance simultanément infligée et subie. Le témoignage dont nous présentons la traduction française n'a pas pour seul mérite la tenue littéraire qui en souligne la véracité. A coup sûr, l'auteur construit et conduit son récit de manière intensément dramatique, par son art d'intégrer le dialogue à la narration, de mettre en perspective le vécu personnel avec l'histoire ou de traiter le rapport entre spéculation et sensation. Mais l'opportunité de le faire connaître au public français, après l'original roumain paru à compte d'auteur en Allemagne, et après d'autres publications touchant le même sujet, vient de ce qu'il dénonce par anticipation posthume, pourrait-on dire, une entreprise très actuelle d'étouffement de la mémoire. Il est, en effet, nécessaire, il est urgent, de combattre l'étrange séduction que le pire des extrémismes exerce présentement sur nos compatriotes. Et, pour cela, de faire entendre la voix de l'étranger, un étranger en l'espèce trop souvent négligé, sinon méprisé. A en croire certain sondage, un Français sur trois – proportion jugée révélatrice par un ci-devant Président de la République – voit d'un bon oeil la réinstallation du Parti Communiste dans la vie politique, tandis que l'actuel Premier Ministre renforce sa cote de popularité en se disant fier de compter des communistes dans son gouvernement. Par ailleurs, le Secrétaire Général du même Parti Communiste choisit le moment pour reconnaître qu'il aurait fallu prendre ses distances avec Moscou "à partir de 1956"; ce qui comporte l'idée que l'asservissement à l'URSS du communisme français se justifiait avant cette date; ce qui inclut l'approbation d'un extrémisme consistant à pousser à l'extrême limite le crime et le mensonge. Les entreprises criminelles n'ont pas manqué, sous divers étendards, tantôt associés, tantôt en lutte, avant 1956, date de l'écrasement de la révolte hongroise, avant même 1945, année qui marque la fin du nazisme en Allemagne et l'extension du communisme hors de l'URSS, en Roumanie notamment. On a tué des millions d'êtres humains dans les camps ou chez eux. Mais seul le communisme a cherché, et partiellement réussi, à détruire l'humanité de l'homme. A consumer totalement, quoique souvent à petit feu, ce qui constitue l'être humain en tant que tel. A fabriquer, moyennant terreur et désespoir, le robot humain, golem d'un genre inédit. L'originalité du texte de Grégoire Dumitresco, en fin de compte son intérêt majeur, si on le compare avec d'autres évocations du phénomène Pitesti, lequel ne fut pas une horreur unique, plutôt une horreur spécifique sous l'angle de la mise au point et du perfectionnement, réside dans l'explication qu'en donne l'auteur, peu enclin à se satisfaire de la simple description ou à cultiver avec complaisance le détail sadique. Le fonctionnement du laboratoire, c'est-à-dire de la fameuse "chambre-hopital No 4", est mis en rapport avec ce qui, implacablement, le produit après l'avoir décidé et programmé dans le cadre, bien défini, de la transformation de l'humanité, et par cet exercice totalitaire du pouvoir qui reste inhérent à l'utopie révolutionnaire en général, à sa variante communiste-léniniste en particulier. Car il est dans la nature de l'appareil communiste de faire souffrir en vue de produire un nouvel homme. C'est là, à n'en pas douter, un caractère sacrificiel, donc religieux, mais d'une religion radicalement pervertie, et concernant un sacrifice total. Ainsi le lecteur verra-t-il, avec une éclairante précision, se mettre en place les dispositifs, s'engager les manoeuvres, intervenir à tel moment tel personnage. Au long de ce texte, où il est si fréquemment question de masques arrachés, se découvre le secret d'une mécanique funeste, qui ne fonctionne qu'à l'instigation de ceux qu'elle est destinée à broyer, la finalité ultime consistant à faire en sorte que bourreau et victime ne fassent qu'un. Le cercle, à l'évidence infernal, de la Révolution se parachève en devenant son propre court-circuit. Grégoire Dumitresco est de confession orthodoxe et, par surcroît, d'une exemplaire piété. Néanmoins, nous ne jugerons pas outrecuidant, au nom d'une aspiration commune au sauvetage des valeurs, plutôt que d'un oecuménisme convenu, de citer des propos récents de Jean-Paul II: "Il ne faut pas oublier qu'il y a eu dans ce monde plusieurs holocaustes". Pour notre part, chrétiens que nous sommes et attachés au plus éminent des droits de l'homme qui est le droit à la vérité de son destin, nous ne l'oublions pas. Soixante ans après le jugement d'un autre Pape sur l'intrinsèque perversité du communisme, nous croyons, nous aussi, au devoir de mémoire. Nous y croyons avec plus de conviction, sans doute, que ceux pour lesquels il ne saurait y avoir de mémoire que sélective et orientée. Non, nous n'oublions pas qu'à Pitesti a fonctionné, avant 1956, un institut de déshumanisation par la souffrance, la terreur et le désespoir, dont les techniciens parlaient d'arrachage de masques, sans peut-être se souvenir qu'en latin masque se dit persona. Imaginerait-on un crime contre l'humanité plus avéré que celui qui consiste à faire méthodiquement disparaître toute trace d'humanité en l'homme? A vouloir détruire la personne jusqu'à l'âme? La vie entière de Grégoire Dumitresco s'accomplit sous les signes conjugués de la rectitude et du sacrifice. Aucun élément, pour infime qu'il paraisse, n'est, dès lors, à négliger. Le fait qu'il s'oriente vers des études de Droit, par exemple, reste, avec la sincérité de sa foi chrétienne, le moteur autant que la pierre de touche de son action. C'est au cours de sa deuxième année universitaire que la Securitate l'arrête. Il n'a strictement rien à se reprocher, même du simple point de vue de la légalité définie par les communistes, qui venaient de prendre le pouvoir. A croire qu'il représente à leurs yeux la proie idéale. Libéré sous conditions, après les effroyables épreuves dont ce livre se fait l'écho, il montre le même souci d'obéir, quoi qu'il en coûte, aux exigences d'une justice supérieure. Il lui en coûtera, malgré l'apaisement tout relatif d'un exil laborieux, la santé et, en fin de compte, la vie. A cet égard, une remarque s'impose tout de suite concernant une particularité du texte et sa résonance, rendue ainsi plus douloureuse. Le lecteur ne manquera pas d'être frappé par les multiples allusions que fait Grégoire Dumitresco à l'état de son coeur: palpitations, battements accélérés, défaillance. Nous sommes aux antipodes du cliché. Ce coeur, déjà fragile, et soumis à un traitement ravageur, le harcèlera constamment, jusqu'à se rompre, alors que réfugié depuis vingt-cinq ans en Allemagne, le rescapé de Pitesti venait d'exorciser le souvenir de son calvaire. Discret par nature, maintenant silencieux, il nous laisse peu d'informations sur lui-même. Celles qui suivent nous viennent de sa veuve à qui nous exprimons notre vive gratitude. Fils d'officier, Grégoire Dumitresco est né le 24 mai 1923 à Cepale, dans le département de Curtea de Arges. Mais Pitesti ne tarde pas à le happer, d'abord sous un jour paisible, puisqu'il y suit les cours du lycée I. C. Bratiano. En 1946, il s'inscrit à l'Université de Bucarest, comme étudiant en droit. Le 7 février 1948, moins de deux mois après l'abolition de la monarchie, il est arrêté pour activité anticommuniste et nationale-royaliste. On sait ce que représente ce genre d'imputation. Il connaît alors l'horreur des geôles de Pitesti, de Jilava, de Pitesti à nouveau, pour y subir le tristement célèbre arrachage des masques, enfin du mortifère Canal Danube-Mer Noire. Libéré en août 1951, il va résider à Curtea de Arges, en relégation à domicile. C'est là qu'un membre de l'organisation locale du P.C.R., cherchant à l'enferrer par quelque compromission, le contacte en ces termes: "Cher camarade, comme tu es un peu plus propre que d'autres, je te propose d'être nommé Président de l'A.R.L.U.S. (Association roumaine pour le rapprochement avec l'Union Soviétique, antenne de Curtea de Arges)". La réponse mérite, elle aussi, de s'inscrire dans notre mémoire: " D'abord, ne m'appelez pas camarade, mais Monsieur Grégoire, ou, simplement Grégoire. Je ne suis pas votre camarade. Ensuite, je ne peux pas être nommé président de votre association: j'ai été prisonnier politique, et, à ce titre, on ne peut pas me faire confiance. Enfin, je ne tiens pas du tout à votre sinécure". Mais le système concentrationnaire porte bien son nom: les degrés de liberté de plus en plus restreinte dont jouit l'individu constituent autant de prisons concentriques, depuis le pays lui-même, devenu un immense pénitencier, jusqu'à la plus petite cellule de souffrance. Le couple Dumitresco veut en finir avec ce régime carcéral. Laissant tout derrière eux, Grégoire et son épouse s'évadent dans des conditions aussi dures que risquées. Grégoire travaillait dans une scierie. Le premier mars 1957, les deux époux se glissent dans une niche pratiquée au milieu d'un tas de planches, sur un wagon-tombereau à destination de la R.F.A. Le voyage durera neuf jours. Neuf jours d'angoisse, de froid, de faim, et, surtout de soif. "Nous prenions l'air, raconte Madame Dumitresco, par une petite ouverture, tentant d'attraper quelques flocons de neige. Nous avions emporté des pommes et des oranges, mais la soif nous empêchait d'avaler quoi que ce soit. A plusieurs reprises nous sommes restés sur une voie de garage en Hongrie. Le moindre mouvement aurait pu alors signaler notre présence. Mais Dieu nous a protégés. En Tchécoslovaquie, un soldat est monté sur le tas de planches. S'il avait fait un pas de plus, il serait tombé dans notre refuge. Mais ce pas, il ne l'a pas fait. Notre ange gardien nous a sauvés". De 1959 à 1968, Grégoire Dumitresco travaille à la Station de Radio Europe Libre, à Munich, d'où Noël Bernard le chasse pour cause d'excès d'intégrité morale. S'en suit un procès de deux ans. De 1970 à 1983, on le retrouve à la compagnie d'assurance Deutsche Lloyd. Il meurt subitement le 20 juin 1983, à peine âgé de 60 ans. Le 10 mai précédent, jour anniversaire de la Déclaration d'Indépendance et de l'avènement de la Royauté, il récitait le célèbre poème de Radu Gyr, Lève-toi, Jean! Lève-toi, Georges! devant une assistance prise par les larmes. Dans son oraison funèbre, Mgr. Bârlea devait rappeler ce moment. Il dit, s'adressant au défunt: "Voici peu de temps, tu as récité un poème que nous avons tous écouté avec ferveur. Personne au monde n'aurait pu l'interpréter comme tu le fis alors. Aujourd'hui, sur le chemin de ta dernière demeure, nous avons le devoir de te le rappeler à toi-même: Lève-toi, Grégoire, au ciel, et prie pour ton pays auquel tu as sacrifié ta vie". Quant à nous, Français, nous ne croyons pas qu'il y ait rien à ajouter après cette évocation, sinon de la crier à la face des repus qui par leur souci de défendre le communisme et de ne défendre que lui, avec tant d'acharnement et de méticulosité, nous rappellent la campagne haineuse lancée voici 50 ans – encore un anniversaire, les communistes y tiennent beaucoup – contre Kravchenko. Ce sont les mêmes méthodes, les mêmes calomnies, et presque les mêmes mots. Prétendre changer le monde, tout en se montrant incapable de changer les vieilles formules, telle est sans doute la fonction assignée au nouvel homme. Assurément, l'obligation constante de tourmenter soi-même un être cher, parent, ami, compagnon de lutte ou d'infortune, constitue-t-elle une nouveauté, voire un progrès dans l'évolution de l'espèce humaine. Mais la rigueur des temps nous incline à croire que l'Occident n'aura plus besoin des tortionnaires de Pitesti pour se muer en monde de robots. ...

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