Auteur : Gessen Masha
Ouvrage : Poutine L'homme sans visage
Année : 2012
Lien de téléchargement : Gessen_Masha_-_Poutine_L_homme_sans_visage.zip
Prologue. Je me suis réveillée. Kate me secouait, visiblement terrifiée. « Ils parlent de Galina à la radio, m’a-t-elle dit tout bas. Et puis d’un pistolet, je crois… Je n’ai pas très bien compris. » Me levant d’un bond, je me suis précipitée dans la minuscule cuisine où Kate était occupée à préparer le petit déjeuner en écoutant Écho de Moscou, la meilleure station d’informations et de débat du pays. C’était un samedi matin, et il faisait un temps inhabituellement lumineux et frais pour un mois de novembre à Moscou. Je n’étais pas vraiment inquiète : l’angoisse de Kate ne m’impressionnait pas beaucoup. Ce qu’elle avait entendu – et probablement mal compris, car elle ne parlait pas très bien le russe – pouvait être l’amorce d’un nouveau sujet d’article passionnant. Principale correspondante de la plus grande revue d’informations russe, Itogui, je considérais tous les sujets d’actualité comme mon fief. Et ils ne manquaient pas. Dans un pays en cours de création, toutes les villes, toutes les familles et toutes les institutions étaient, en quelque sorte, des territoires inexplorés. Nous étions en 1998. Depuis le début des années 1990, la quasi-totalité des articles que j’écrivais racontaient des histoires que personne n’avait encore relatées : je passais près de la moitié de mon temps hors de Moscou, dans des zones de conflit et des mines d’or, des orphelinats et des universités, des villages abandonnés et des villes pétrolières en plein essor, pour écrire ce qui s’y déroulait. En échange, mon journal, qui appartenait au même magnat qu’Écho de Moscou et était financé par lui, ne me reprochait jamais mon invraisemblable programme de voyages et mettait souvent mes sujets en une. Autrement dit, je faisais partie de ceux qui avaient tout gagné dans les années 1990. Bien d’autres, plus âgés et plus jeunes que moi, avaient au contraire payé chèrement cette transition. La génération précédente avait vu ses économies dévorées par l’hyperinflation et son identité engloutie par la destruction apparente de toutes les structures du régime soviétique. La génération suivante grandissait dans l’ombre de la peur et souvent aussi de l’échec de ses parents. Moi, j’avais fêté mes vingt-quatre ans l’année de l’effondrement de l’Union soviétique, et nous avions passé la décennie 1990, mes pairs et moi, à inventer nos carrières et ce que nous pensions être les mœurs et les institutions d’une société nouvelle. Malgré l’épidémie de crimes violents qui semblait frapper la Russie, nous nous sentions parfaitement en sécurité : nous observions et, occasionnellement, décrivions le milieu de la pègre sans jamais imaginer qu’il pourrait nous affecter personnellement. En réalité, j’étais même convaincue que certaines choses ne pouvaient que s’améliorer : je venais d’acheter un ancien appartement communautaire délabré au cœur même de Moscou et avais entrepris des travaux de rénovation en attendant de quitter le logement que je partageais avec Kate, une rédactrice britannique qui travaillait pour une publication de l’industrie pétrolière. Je me voyais bien fonder une famille dans ce nouveau logement. Et ce samedi-là, précisément, j’avais rendez-vous avec l’entrepreneur pour choisir des éléments de salle de bains. ...
Demolins Edmond - Saint Louis
Auteur : Demolins Edmond Ouvrage : Saint Louis Année : 19881 Lien de téléchargement :...