London Jack - L'appel de la forêt


Auteur : London Jack (Griffith Chaney John)
Ouvrage : L'appel de la forêt
Année :1903

Lien de téléchargement : London_Jack_-_L_appel_de_la_foret.zip

LA LOI PRIMITIVE. L’antique instinct nomade surgit, Se ruant contre la chaîne de l’habitude ; Et de son brumeux sommeil séculaire S’élève le cri de la race. Buck ne lisait pas les journaux et était loin de savoir ce qui se tramait vers la fin de 1897, non seulement contre lui, mais contre tous ses congénères. En effet, dans toute la région qui s’étend du détroit de Puget à la baie de San Diégo on traquait les grands chiens à longs poils, aussi habiles à se tirer d’affaire dans l’eau que sur la terre ferme… Les hommes, en creusant la terre obscure, y avaient trouvé un métal jaune, enfoncé dans le sol glacé des régions arctiques, et les compagnies de transport ayant répandu la nouvelle à grand renfort de réclame, les gens se ruaient en foule vers le nord. Et il leur fallait des chiens, de ces grands chiens robustes aux muscles forts pour travailler, et à l’épaisse fourrure pour se protéger contre le froid. Buck habitait cette belle demeure, située dans la vallée ensoleillée de Santa-Clara, qu’on appelle « le Domaine du juge Miller ». De la route, on distingue à peine l’habitation à demi cachée par les grands arbres, qui laissent entrevoir la large et fraîche véranda, régnant sur les quatre faces de la maison. Des allées soigneusement sablées mènent au perron, sous l’ombre tremblante des hauts peupliers, parmi les vertes pelouses. Un jardin immense et fleuri entoure la villa, puis ce sont les communs imposants, écuries spacieuses, où s’agitent une douzaine de grooms et de valets bavards, cottages couverts de plantes grimpantes, pour les jardiniers et leurs aides ; enfin l’interminable rangée des serres, treilles et espaliers, suivis de vergers plantureux, de gras pâturages, de champs fertiles et de ruisseaux jaseurs. Le monarque absolu de ce beau royaume était, depuis quatre ans, le chien Buck, magnifique animal dont le poids et la majesté tenaient du gigantesque terre-neuve Elno, son père, tandis que sa mère Sheps, fine chienne colley de pure race écossaise, lui avait donné la beauté des formes et l’intelligence humaine de son regard. L’autorité de Buck était indiscutée. Il régnait sans conteste non seulement sur la tourbe insignifiante des chiens d’écurie, sur le carlin japonais Toots, sur le mexicain Isabel, étrange créature sans poil dont l’aspect prêtait à rire, mais encore sur tous les habitants du même lieu que lui. Majestueux et doux, il était le compagnon inséparable du juge, qu’il suivait dans toutes ses promenades, il s’allongeait d’habitude aux pieds de son maître, dans la bibliothèque, le nez sur ses pattes de devant, clignant des yeux vers le feu, et ne marquant que par un imperceptible mouvement des sourcils l’intérêt qu’il prenait à tout ce qui se passait autour de lui. Mais apercevait-il au-dehors les fils aînés du juge, prêts à se mettre en selle, il se levait d’un air digne et daignait les escorter ; de même, quand les jeunes gens prenaient leur bain matinal dans le grand réservoir cimenté du jardin, Buck considérait de son devoir d’être de la fête. Il ne manquait pas non plus d’accompagner les jeunes filles dans leurs promenades à pied ou en voiture ; et parfois on le voyait sur les pelouses, portant sur son dos les petits-enfants du juge, les roulant sur le gazon et faisant mine de les dévorer, de ses deux rangées de dents étincelantes. Les petits l’adoraient, tout en le craignant un peu, car Buck exerçait sur eux une surveillance sévère et ne permettait aucun écart à la règle. D’ailleurs, ils n’étaient pas seuls à le redouter, le sentiment de sa propre importance et le respect universel qui l’entourait investissant le bel animal d’une dignité vraiment royale. Depuis quatre ans, Buck menait l’existence d’un aristocrate blasé, parfaitement satisfait de soi-même et des autres, peut-être légèrement enclin à l’égoïsme, ainsi que le sont trop sou-vent les grands de ce monde. Mais son activité incessante, la chasse, la pêche, le sport, et surtout sa passion héréditaire pour l’eau fraîche le gardaient de tout alourdissement et de la moindre déchéance physique : il était, en vérité, le plus admirable spécimen de sa race qu’on pût voir. Sa vaste poitrine, ses flancs évidés sous l’épaisse et soyeuse fourrure, ses pattes droites et formidables, son large front étoilé de blanc, son regard franc, calme et attentif, le faisaient admirer de tous. Telle était la situation du chien Buck, lorsque la découverte des mines d’or du Klondike attira vers le nord des milliers d’aventuriers. Tout manquait dans ces régions neuves et désolées ; et pour assurer la subsistance et la vie même des émigrants, on dut avoir recours aux traîneaux attelés de chiens, seuls animaux de trait capables de supporter une température arctique. Buck semblait créé pour jouer un rôle dans les solitudes glacées de l’Alaska ; et c’est précisément ce qui advint, grâce à la trahison d’un aide-jardinier. Le misérable Manoël avait pour la loterie chinoise une passion effrénée ; et ses gages étant à peine suffisants pour assurer l’existence de sa femme et de ses enfants, il ne recula pas devant un crime pour se procurer les moyens de satisfaire son vice. Un soir, que le juge présidait une réunion et que ses fils étaient absorbés par le règlement d’un nouveau club athlétique, le traître Manoël appelle doucement Buck, qui le suit sans dé-fiance, convaincu qu’il s’agit d’une simple promenade à la brume. Tous deux traversent sans encombre la propriété, gagnent la grande route et arrivent tranquillement à la petite gare de Collège-Park. Là, un homme inconnu place dans la main de Manoël quelques pièces d’or, tout en lui reprochant d’amener l’animal en liberté. Aussitôt Manoël jette au cou de Buck une corde assez forte pour l’étrangler en cas de résistance. Buck supporte cet affront avec calme et dignité ; bien que ce procédé inusité le surprenne, il a, par habitude, confiance en tous les gens de la maison, et sait que les hommes possèdent une sa-gesse supérieure même à la sienne. Toutefois, quand l’étranger fait mine de prendre la corde, Buck manifeste par un profond grondement le déplaisir qu’il éprouve. Aussitôt la corde se res-serre, lui meurtrissant cruellement la gorge et lui coupant la respiration. Indigné, Buck, se jette sur l’homme ; alors celui-ci donne un tour de poignet vigoureux : la corde se resserre en-core ; furieux, surpris, la langue pendante, la poitrine convulsée, Buck se tord impuissant, ressentant plus vivement l’outrage inattendu que l’atroce douleur physique ; ses beaux yeux se cou-vrent d’un nuage, deviennent vitreux… et c’est à demi mort qu’il est brutalement jeté dans un fourgon à bagages par les deux complices. ...

You might also like

Demolins Edmond - Saint Louis

Auteur : Demolins Edmond Ouvrage : Saint Louis Année : 19881 Lien de téléchargement :...

Lire la suite

Demolins Edmond - Le Play et son oeuvre de réforme sociale

Auteur : Demolins Edmond Ouvrage : Le Play et son oeuvre de réforme sociale Année : 1882 Lien de...

Lire la suite

Demolins Edmond - Le mouvement communal et municipal au moyen âge

Auteur : Demolins Edmond Ouvrage : Le mouvement communal et municipal au moyen âge Année : 1875...

Lire la suite

Demolins Edmond - L'école des Roches

Auteur : Demolins Edmond Ouvrage : L'école des Roches Année : * Lien de téléchargement :...

Lire la suite

Demolins Edmond - L'éducation nouvelle

Auteur : Demolins Edmond Ouvrage : L'éducation nouvelle Année : 1898 Lien de téléchargement :...

Lire la suite

Demolins Edmond - La science sociale Tome 4

Auteur : Demolins Edmond Ouvrage : La science sociale Tome 4 Année : 1887 Lien de téléchargement :...

Lire la suite

Faits et documents - 528

Auteur : Faits et documents Ouvrage : 528 Année : 2024 Lien de téléchargement :...

Lire la suite

Aubert Edouard - La vallée d'Aoste

Auteur : Aubert Edouard Ouvrage : La vallée d'Aoste Année : 1860 Lien de téléchargement :...

Lire la suite

Dessailly Léonard - Authenticité du grand testament de Saint-Rémi

Auteur : Dessailly Léonard Ouvrage : Authenticité du grand testament de Saint-Rémi Année : 1878...

Lire la suite

Adam Charles - Vie et oeuvres de Descartes

Auteur : Adam Charles Ouvrage : Vie et oeuvres de Descartes Année : 1910 Lien de téléchargement :...

Lire la suite




Histoire Ebook
HISTOIRE EBOOK
Recension d'ouvrages rares et interdits