Platon - Criton


Auteur : Platon
Ouvrage : Criton Du Devoir; genre éthique
Année : *

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Notice sur le Criton. Xénophon rapporte dans son Apologie de Socrate (ch. 23) que Socrate avait refusé d’écouter ses amis qui voulaient le faire évader de sa prison et que même il leur avait demandé ironiquement s’ils connaissaient en dehors d’Athènes quelque endroit inaccessible à la mort. Ce refus de s’évader avait dû frapper le public et susciter des commentaires. Quelle en pouvait être la raison ? Socrate était-il las de vivre et craignait-il les infirmités de la vieillesse, comme l’a soutenu Xénophon d’après Hermogène ? Ou est-ce l’orgueil qui lui avait fait prendre cette attitude extraordinaire ? Ou voulait-il donner une dernière leçon aux hommes en leur montrant à mépriser la mort ? Platon, qui avait écrit l’Apologie pour faire connaître le vrai Socrate, ne pouvait laisser défigurer la noble image de son maître vénéré. Il entreprit, dans le Criton, d’expliquer au public les vrais motifs du refus de Socrate. S’il n’avait pas voulu quitter sa prison, c’était pour rester fidèle aux principes qu’il avait professés durant toute sa vie. Criton n’avait certainement pas été le seul* à solliciter Socrate de s’enfuir, et si Platon a exclu les autres, c’est sans doute dans un but de simplification, et, s’il a fait de Criton le porte-parole de tous, c’est que Criton était le mieux désigné pour fléchir l’obstination de Socrate. Il était du même dème et du même âge que lui et lui était très attaché. Il était riche et avait été l’un de ceux qui s’étaient offerts à payer les trente mines auxquelles Socrate s’était finalement taxé. Il avait même offert sa caution, pour que Socrate condamné à mort fût laissé en liberté jusqu’au jour de l’exécution (Phédon, 115 d), caution qui avait été refusée. « Il était si attentif à le servir, nous dit Diogène Laërce (livre II, Criton), qu’il ne le laissa jamais manquer de rien. Ses fils furent aussi auditeurs de Socrate : Critobule, Hermogène, Épigène, Ctèsippe. » Il aurait même, si l’on en croit le même Diogène, écrit dix-sept dialogues rassemblés en un seul livre. Pendant tout le mois qui s’écoula entre la condamnation de Socrate et le retour du vaisseau sacré envoyé à Dèlos, ses amis venaient causer avec lui dans sa prison, mais assez tard ; car le geôlier n’ouvrait pas de bonne heure. Le jour où se place notre dialogue, Criton a devancé l’aurore et s’est fait ouvrir par le geôlier, qu’il a gagné par quelque gratification. Socrate était encore endormi. À son réveil, il s’étonne de voir Criton près de son lit : « Qu’est-ce qui t’amène de si bonne heure ? » demande-t-il. Criton répond que s’il est venu si tôt, c’est pour lui apporter une fâcheuse nouvelle, l’approche du vaisseau au retour duquel Socrate doit mourir, et pour se concerter avec lui, afin de le faire évader la nuit suivante. « Que pensera-t-on de nous, tes amis, dit-il, si tu meurs en prison ? On dira que nous avons préféré te laisser mourir plutôt que de sacrifier notre argent pour te tirer d’ici. D’ailleurs la somme qu’on demande n’est pas considérable et plusieurs autres de tes amis sont prêts à en faire la dépense. Ne crains pas de t’exiler : partout où tu iras, tu seras bien accueilli. Songe aussi à tes enfants, que tu n’as pas le droit d’abandonner. Enfin les moments sont précieux : décide-toi. – Examinons si je le dois, répond Socrate. Tu sais que je n’obéis jamais qu’à la raison. Or que dit-elle ? Qu’entre les opinions des hommes, il ne faut avoir égard qu’à celles des hommes sensés, et non à celles de la foule. Cela est surtout nécessaire quand il s’agit des choses les plus importantes, du juste et de l’injuste, du bien et du mal. Or la raison démontre qu’il ne faut jamais être injuste ni faire le mal. C’est de ce principe que notre discussion doit partir, pour décider si je peux sortir d’ici sans l’assentiment des Athéniens. Supposons, Criton, que les lois se présentent devant nous et me disent : « C’est nous qui avons présidé à ta naissance et à ton éducation. Tu es donc notre enfant et notre esclave. Tu dois donc nous obéir, comme à tes père et mère, avec plus de soumission encore, parce que la patrie et ses lois sont plus vénérables et plus saintes que les parents. Malgré ce que tu nous dois, nous t’avons laissé libre, quand tu es devenu majeur, de nous répudier, si nous te déplaisions, et de t’en aller vivre ailleurs en emportant tes biens. Tu ne l’as pas fait. En demeurant, tu as contracté par là même un engagement sacré envers nous. Personne même n’a jamais été attaché plus que toi à Athènes et à ses lois. Tu serais donc plus coupable que tout autre en violant les engagements de toute ta vie, sans compter que tu t’exposerais au ridicule et au mépris, partout où tu irais. Quant à tes enfants, soit que tu partes pour l’exil, soit que tu partes pour l’autre monde, tes amis en prendront soin. Renonce donc à te dérober à notre autorité, si tu veux que nos soeurs, les lois de l’Hadès, te fassent bon accueil. » Criton n’ayant rien à répondre, Socrate conclut en disant : « Suivons la voie que le dieu nous indique. » Le naturel exquis des détails par lesquels il débute pourrait faire croire que les choses se sont passées comme Platon les décrit, si nous ne savions que c’est un des talents de Platon d’introduire ses dialogues avec l’art d’un grand poète dramatique, témoin le commencement du Protagoras, du Phèdre, de la République. Il est donc possible, il est même probable que les détails de l’introduction n’ont rien d’historique et sont de l’invention de Platon. C’est son style aussi que l’on reconnaît d’un bout à l’autre de l’ouvrage, et il est possible encore qu’il ait ajouté quelque chose de son cru à ce qui fut réellement dit dans les entretiens où les amis de Socrate tentèrent de le décider à s’évader. Mais on ne peut mettre en doute que le fond ne soit vrai et que nous n’ayons ici l’essentiel des réponses et des arguments de Socrate. Les raisons qu’il donne de sa répugnance à l’exil ne sont pas présentés de la même façon que dans l’Apologie ; mais ce sont au fond les mêmes, c’est qu’il ne pourra remplir sa mission. L’admirable prosopopée des lois est peut-être de l’invention de Socrate ; en tout cas elle reflète admirablement les scrupules de cette haute conscience que l’injustice effraye plus que la mort. Ce respect des lois est comme un dernier trait ajouté à la peinture du caractère de Socrate que Platon avait tracé dans l’Apologie, et cette mort si courageusement acceptée est le digne couronnement de cette carrière consacrée tout entière à la philosophie et à la vertu. Aussi, tout bref qu’il est, le dialogue du Criton est, au point de vue moral comme au point de vue littéraire, un des plus beaux et des plus émouvants de Platon. ...

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