Pujo Maurice - Lucien Lacour


Auteur : Pujo Maurice
Ouvrage : Lucien Lacour
Année : 1912

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Ce texte a paru dans l’Almanach de l’Action française pour l’année 1912. Le dimanche 20 novembre 1910, c’était la première sortie du nouveau ministère que Briand avait osé constituer avec le concours de Lafferre, le franc-maçon des fiches et de la délation. À trois heures quarante, à l’issue de l’inauguration du monument Ferry, comme l’assistance s’écoulait, Aristide Briand, ancien souteneur, condamné pour attentat à la pudeur, ancien apôtre du sabotage et de la grève générale qui, dans cette cérémonie impie à la gloire d’un républicain funeste à la religion et à la patrie, avait fait figure de président du Conseil, — Aristide Briand s’apprêtait à remonter dans son coupé ministériel. À ce moment, du haut de la terrasse où se trouvait la foule, un homme bondit par-dessus la double haie de gardes municipaux et d’agents. D’une main, il a saisi Briand par le col de son pardessus. De l’autre, il applique sur la face abjecte de cet aventurier une éclatante paire de gifles. Sous le double coup, Aristide Briand perd l’équilibre et son chapeau haute forme roule dans la boue d’où monta autrefois sa casquette. Pendant que le misérable reprend ses sens et essuie ses vêtements souillés, on s’est précipité sur son agresseur. Les gardes et les agents l’ont saisi, les agents de la Sûreté se ruent sur lui pour le frapper. Les personnages officiels, « bourriques » volontaires, se joignent à eux : un parlementaire plus lâche que les autres, le blesse au front d’un coup de canne plombée. Tous ces domestiques se ruent pour venger leur maître. D’autres essaient de consoler par des vivats de commande, le misérable, tout pâle, qui vient de recevoir la correction qu’il a méritée. Mais l’homme qu’on entraîne ainsi sous les coups, les deux bras entravés, redresse fièrement sa tête ensanglantée. Dans sa loyale et noble figure de jeune Français, brille la flamme du sacrifice joyeux à la cause sacrée de la patrie. À la vraie foule qu’on maintient au loin, il jette, tandis qu’on l’emmène au poste du Marché-Saint-Honoré, les cris répétés de : À bas Ferry ! À bas Briand ! À bas Lafferre ! À bas la République ! Vive le Roi ! Cet homme, ce justicier, ce bon Français, c’était notre cher ami Lucien Lacour, membre du Comité directeur des Camelots du Roi. L’acte de violence de Lucien Lacour était éminemment réfléchi. C’était un acte juste et raisonnable. Il y avait d’abord les raisons personnelles à l’Association dont Lacour est l’un des chefs. Camelot du Roi, Lacour avait voulu venger ses camarades et lui-même des illégalités dont ils avaient souffert dans les prisons de la République, sur les ordres du ministère de l’Intérieur. Par ces ordres, les Camelots du Roi emprisonnés étaient privés du régime politique auquel ils avaient un droit si peu douteux que l’Administration finissait par le leur accorder. . . à la veille de leur libération. Mais, de sa propre autorité, elle jugeait bon de les laisser au régime des apaches pendant un temps qui variait selon son bon plaisir, mais qui atteignait souvent les trois quarts de leur peine. D’autres, arrêtés dans les manifestations, étaient, sans jugement et sans instruction ouverte, envoyés au Dépôt et retenus vingt-quatre heures, par une simple mesure arbitraire du ministère de l’Intérieur. Nous avions dit que nous aurions notre revanche, aussi illégale que ces vexations : nous l’avions. Mais ce fut là une raison accessoire. Lacour, catholique et patriote, alla à l’inauguration du monument Ferry, plein d’indignation pour les ministres qui glorifiaient un des promoteurs de la guerre aux croyances catholiques, l’homme de l’Est qui, après Gambetta, détourna nos yeux des provinces perdues, et nous lança dans les aventures coloniales pour nous faire oublier la revanche. Le même Lacour patriote, Lacour, ancien soldat, avait voulu venger l’armée du nouvel affront que lui avait fait Briand en plaçant dans son ministère le sinistre Lafferre, chef de la Délation. Lacour aimait trop l’armée dans laquelle il a bien servi pour subir cet affront avec la sérénité de certains conservateurs. En lui, devant le président du Conseil, responsable de ce choix, s’étaient réveillées toutes les justes colères d’un Syveton. Lacour, ouvrier menuisier, avait songé aussi à ses frères ouvriers, à qui Briand, pour faire sa fortune, prêchait, sept ans auparavant, la grève générale et le sabotage, et à qui, le mois précédent, lors de la grève des cheminots, il n’avait offert, pour toute solution à la question sociale, que la répression sans pitié et les menaces de sa dictature enjuivée. Enfin, Lucien Lacour, honnête homme et bon Français, n’avait pu souffrir de voir passer devant lui, triomphant et abusant les honnêtes gens, l’aventurier qui, parti de la boue, s’était élevé par toutes les hontes et tous les méfaits. Il fallait que les tristes conservateurs, qui déjà donnaient leur confiance à ce misérable et le prenaient pour un sauveur de la société, fussent réveillés et détrompés. Il fallait que la moralité publique fût vengée. Ayant pesé ces raisons, il s’était décidé et s’étant décidé, il prit toutes les mesures nécessaires pour réussir l’acte qu’il méditait. Il rasa sa moustache, et s’affubla d’un lorgnon, de peur que sa bonne figure de Français ne le signalât au milieu des officiels et des tristes « intellectuels » qui assistaient à la fête. Il avait tout de même deux agents de la Sûreté dans le dos : il avait une rangée de gardes devant lui, une autre rangée de mouchards. Tout cela pouvait être des obstacles pour un autre qu’un Camelot du Roi. Lucien Lacour avait bondi, les mains levées, sur celui qui devait être châtié. Il ne l’avait pas manqué. ...

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