Reinert Erik S. - Comment les pays riches sont devenus riches et pourquoi les pays pauvres restent pauvres


Auteur : Reinert Erik S.
Ouvrage : Comment les pays riches sont devenus riches et pourquoi les pays pauvres restent pauvres
Année : 2007

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L’État stratège à la lumière de l’histoire. « La liberté du commerce n’est pas une faculté accordée aux négociants de faire ce qu’ils veulent ; ce serait plutôt sa servitude. Ce qui gêne le commerçant ne gêne pas pour cela le commerce. C’est dans les pays de liberté que le négociant trouve des contradictions sans nombre ; et il n’est jamais moins croisé par les lois que dans les pays de la servitude » Charles de Segondat de Montesquieu, L’esprit des Lois, XX, 12 « La puissance importe plus que la richesse… la puissance est pour un pays une force qui procure de nouveaux moyens de production, parce que l’arbre qui porte les fruits a plus d’importance que le fruit lui-même. (…) à l’aide de la puissance un pays non seulement acquiert de nouveaux moyens de production, mais s’assure de la possession des anciens et la jouissance des richesses déjà acquises, et parce que le contraire de la puissance ou la faiblesse livre aux mains des puissants tout ce que nous possédons, nos richesses et nos forces productives, notre civilisation, notre liberté, jusqu’à notre indépendance nationale » Friedrich List, 1846 « Le système national d’économie politique » Il n’est pas, depuis le déclenchement de la crise financière en août 2007, de politicien qui ne se déclare pour un « État stratège » après n’avoir juré, aux plus belles années de la domination des idées néoclassiques, que par un « État modeste » qui se contenterait de fixer les règles du jeu d’un marché considéré comme autorégulateur, sans surtout chercher à jouer lui-même, tant sa balourdise inhérente à sa structure ne pourrait qu’en perturber la rationalité. Mais cela ne nous donne pas pour autant la définition de ce que serait un « État stratège ». En juillet 2007, Paul Samuelson, fondateur de l’économie néoclassique qui a écrit en 1948 LE livre d’économie sur lequel ont du travailler des générations d’étudiants, a accepté de donner un entretien. Samuelson, théoricien des modèles abscons et intemporels de l’économie basés sur des modèles mathématiques ésotériques, fit une réponse inattendue : « Je dirai quelque chose que je n’aurais probablement pas dit quand j’étais plus jeune : ayez le plus grand respect pour l’étude de l’histoire économique parce que c’est la matière première d’où proviennent vos hypothèses et toutes les données pour les tester. » Erik Reinert s’inscrit dans cette tradition de l’histoire économique qui commence dès l’apparition du développement industriel avec la Renaissance, et s’affirme avec les premières crises financières : celle de 1720 a généré une prolifération d’analyses et de débats entre Daniel Defoe, Charles Davenant, Jonathan Swift pour ne citer que les auteurs les plus connus du public francophone. En 1841, l’Écossais Charles Mackay publia History of London, Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds (1841) fondant le développement de l’économie des comportements, ouvrant la voie à une critique de la supposée rationalité des marchés. Le livre de Charles Kindleberger Histoire mondiale de la spéculation financière (1978) a été délibérément ignoré. Le travail systématique de Carmen Reinhardt et Kenneth Rogoff Cette fois c’est différent montre sur huit siècles l’aveuglement volontaire des politiciens et des économistes et leur refus de tenir compte des enseignements du passé. Sur le libre échange, on trouve une littérature aussi prolifique que détaillée. Erik Reinert maîtrise de très nombreuses langues, moins bien le français, mais des ouvrages tels que ceux de Charles Gouraud, Essais sur la liberté du commerce des nations, examen de la théorie du libre-échange (1853), ou encore les Études sur les deux systèmes opposés du libre-échange et de la protection (1851) d’Antoine-Marie Roederer, ne peuvent que confirmer les analyses qu’il a explorées dans l’abondante littérature italienne, anglaise, américaine, allemande et scandinave qui compose la collection des 40 000 ouvrages d’histoire économique qu’il a accumulée au cours de sa longue expérience professionnelle et de ses recherches, dans sa maison de Hvasser, au sud d’Oslo, un trésor sans pareil sur lequel veille Fernanda, son épouse, bibliothécaire de profession. Son œuvre majeure, déjà traduite en de nombreuses langues dont l’espagnol, le chinois, le letton, le russe, l’estonien et le farsi, nous parvient enfin, après un long parcours d’obstacles, en édition française. Qui veut aller au-delà des slogans et s’inspirer des sages conseils et remords tardifs de Paul Samuelson trouvera ici une réflexion pour construire une définition opérationnelle de ce que doit et peut être un « État stratège ». Elle paraît à un moment critique où la France – comme l’Europe et plus généralement l’Occident – est dans une situation d’échec qui requiert un effort d’analyse particulier. Une telle situation n’est pas nouvelle : nous vivons une crise de transition de ce que Carlota Perez appelle un « paradigme technoéconomique » – soit l’ensemble du mode de gestion, de production et d’organisation d’un cycle technologique – de la IIe vers la IIIe révolution industrielle. Chacune de ces transitions a vu par le passé les leaderships des pays dominants remis en cause par de nouveaux pays dont le dynamisme et la soif de développement – et surtout l’intelligence des leviers du développement économique et politique – a bouleversé la suffisance, souvent l’arrogance, qui accompagne l’obsolescence intellectuelle et institutionnelle de ces dominants qui ont perdu leurs capacités d’innovation et d’entreprise. Ce fut le cas pour les Pays-Bas qui dominèrent la mondialisation du XVIIe siècle, supplantés par l’Angleterre, puis cette même Angleterre devenue suffisante et arrogante ne voulut plus que vivre de ses rentes et finança le développement des États-Unis qui ont dominé le XXe siècle. Le XXIe siècle sera, à ce qu’on peut en juger aujourd’hui, asiatique et sans doute chinois. Il n’y a nulle fatalité dans ces alternances mais il y a des phénomènes explicatifs récurrents : l’incapacité à penser le monde, l’obsolescence des idées et des technologies, la perte des capacités d’innovation. Dans un ouvrage fameux, Alexandre Gerschenkron a montré en 1962 que le retard était un avantage pourvu que les pays en retard sachent se doter du cadre intellectuel et institutionnel approprié, en profitant de l’émulation fournie par l’avance des dominants et la soif du développement. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui : les pays émergents ont compris les recettes qui ont fait la croissance de l’Europe et des États-Unis – une conjugaison entre logique de puissance politique, compréhension de la dynamique de la technologie et vitalité intellectuelle – et les idéologies erronées qu’on leur a imposées pour les maintenir dans le sous-développement ou, pire encore, les erreurs historiques commises par eux-mêmes et qui ont provoqué leur déclin, comme dans le cas de la Chine, et créent une soif de revanche sur le sort. Si l’Occident – l’Europe de l’Ouest et les États-Unis, ce que l’on appelle le Premier monde – est aujourd’hui en pleine décadence, c’est qu’il a totalement perdu cette vitalité intellectuelle qui a fait son essor pour sombrer dans le dogmatisme des contes de fées qu’il a lui-même inventés. Au premier rang de ces contes de fées est la « légende libérale » qui a prédominé durant la guerre froide et vu son apothéose avec la « fin de l’histoire » de 1989 – selon le titre de l’ouvrage de Fukuyama – qui voit dans l’implosion du communisme la victoire définitive de la démocratie libérale. Selon cette légende, le marché se serait créé spontanément à partir des villes émancipées de la tutelle féodale. Né de manière autonome, il aurait provoqué la croissance qui aurait fait craquer, à la fin du XVIIIe siècle, une enveloppe institutionnelle stérilisante et le libéralisme économique aurait amené le libéralisme politique. C’est le mythe du « marché autorégulateur » analysé par Polanyi. Cette légende ne tient plus aujourd’hui sous l’impact de deux courants d’analyse : l’histoire économique qui connaît actuellement un retour salutaire, et l’économie institutionnelle qui permet de comprendre les relations entre État et marché. Il ne s’agit pas de l’opposer à la légende inverse, celle du communisme : toutes deux sont dominées par la conception hégélienne de la « fin de l’histoire » et d’un déterminisme historique ou la politique et les stratégies de développement sont réduites au rôle d’accoucheur de « lois de l’histoire » qui sont dans un cas le rôle du marché, et dans l’autre, la « mission historique de la classe ouvrière ». Le point commun de ces conceptions déterministes du monde est l’hostilité à la controverse : dès lors qu’il existe une fin ultime définie par l’histoire, il ne peut s’agir que d’aller de l’avant et tout opposant est un « réactionnaire » dans le vocabulaire marxiste ou un « ringard » et un « ennemi du progrès » dans la vulgate néolibérale. Un accélérateur du déclin intellectuel de l’Occident a été sans aucun doute la fin du communisme : d’une part, la présence d’un adversaire puissant imposait à l’Occident de modérer son hubris, ce sentiment de toute puissance qui fait perdre le contact avec le réel, et d’autre part, l’ouverture des marchés de l’Est – le Second monde – a donné une nouvelle impulsion à un mode de production que l’entrée – à partir de 1973 – dans la IIIe révolution industrielle rendait obsolète, comme l’a fort bien démontré Christopher Freeman, et stoppé le processus d’évolution que la transition vers un nouveau paradigme techno-économique requerrait. ...

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