Finkelstein Norman G. - L'industrie de l'holocauste


Auteur : Finkelstein Norman Gary
Ouvrage : L'industrie de l'holocauste Réflexions sur l'exploitation de la souffrance juive
Année : 2001

Lien de téléchargement : Finkelstein_Norman_G_-_L_industrie_de_l_holocauste.zip

Introduction. Ce livre est à la fois une anatomie et une mise en accusation de l’industrie de l’holocauste. Dans les pages qui suivent, je vais soutenir que « l’holocauste » est une représentation idéologique de l’holocauste nazi. Comme beaucoup d’idéologies, elle a un rapport, si ténu fût-il, avec la réalité. « L’holocauste » est une construction non pas arbitraire mais dotée d’une cohésion interne. Ses dogmes principaux soutiennent des intérêts politiques et sociaux significatifs. En fait, « l’holocauste » s’est avéré une arme idéologique indispensable. Grâce à son déploiement, l’une des puissances militaires les plus formidables du monde, dont les manquements aux droits de l’homme sont considérables, s’est posé en état-« victime », et le groupe ethnique le plus florissant des États-Unis a, lui aussi, acquis le statut de victime. Des bénéfices considérables découlent de ce statut injustifié de victime, en particulier, une immunité face à la critique, même la plus justifiée. Ceux qui jouissent de cette immunité, ajouterai-je, n’ont pas échappé à la corruption morale qui va de pair avec elle. De ce point de vue, le rôle d’Elie Wiesel, interprète officiel de l’holocauste, n’est pas un hasard. Il est évident qu’il n’est pas parvenu à cette position par son action humanitaire ou ses talents littéraires. Il joue le premier rôle plutôt parce qu’il articule sans la moindre fausse note les dogmes de l’holocauste, défendant par là même les intérêts qui le sous-tendent. Le prétexte initial de ce livre a été l’étude fondamentale de Peter Novick, The Holocaust in American Life, dont j’ai rendu compte pour une revue littéraire britannique 3. Dans les pages qui suivient, le dialogue critique que j’avais entamé avec Novick est élargi ; d’où le nombre abondant de références qui accompagnent cette étude. Plus un conglomérat d’aperçus provocants qu’une critique argumentée, The Holocaust in American Life s’inscrit dans la vénérable tradition américaine du brassage de boue. Comme tous les brasseurs de boue, Novick se concentre sur les abus les plus flagrants. Souvent virulent et rafraîchissant, The Holocaust in American Life n’est pas une critique systématique. Les affirmations fondamentales ne sont pas remises en question. Le livre, qui n’est ni banal ni hérétique, se situe dans le courant officiel, à la pointe extrême de la controverse. Comme on pouvait le prévoir, il a été largement commenté, diversement d’ailleurs, par la presse des États-Unis. La principale catégorie analytique de Novick est la « mémoire ». Actuellement à la pointe de la mode dans les cercles académiques, la « mémoire » est certainement le concept le plus pauvre du monde universitaire depuis longtemps. Après la référence obligatoire à Maurice Halbwachs, Novick s’attache à démontrer comment des préoccupations actuelles donnent sa forme à la « mémoire de l’holocauste ». Autrefois, les intellectuels en rupture utilisaient des catégories politiques robustes comme « pouvoir », « intérêts » d’un côté, « idéologie », de l’autre. Aujourd’hui, il ne reste plus que le langage émoussé et dépolitisé des « préoccupations » et de la « mémoire ». Mais, cela ressort des sources mêmes que produit Novick, la « mémoire de l’holocauste » est une construction idéologique d’intérêts particularistes. Bien que choisie, la mémoire de l’holocauste, d’après Novick, est, « le plus souvent, arbitraire ». Le choix, affirme-til, n’a pas été dicté par « un calcul d’avantages et d’inconvénients » mais plutôt « sans préoccupation des conséquences4 ». Les sources suggèrent plutôt le contraire. À l’origine, mon intérêt pour l’holocauste nazi était personnel. Mes deux parents étaient des survivants du ghetto de Varsovie et des camps de concentration nazis. À part mes parents, tous les membres de ma famille, des deux côtés, ont été exterminés par les nazis. Mon souvenir le plus ancien, pour ainsi dire, de l’holocauste nazi, c’est ma mère, collée à l’écran de télévision pour le procès d’Adolf Eichmann (1961), quand je rentrais de l’école. Bien qu’ils aient été libérés des camps seulement seize ans avant le procès, dans mon esprit un abîme infranchissable a toujours séparé les parents que je connaissais de cela. Il y avait des photos de ma famille maternelle au mur du salon (après la guerre, il ne restait aucune photo de la famille de mon père). Je n’ai jamais pu appréhender réellement quel était mon lien avec eux, sans parler de me représenter ce qui était arrivé. C’étaient le frère, les soeurs et les parents de ma mère et non mes tantes, mon oncle et mes grands-parents. Je me souviens d’avoir lu, étant enfant, The Wall de John Hersey et Mila 18 de Léon Uris, des récits romancés du ghetto de Varsovie. (Je me souviens encore de ma mère se plaignant d’avoir raté sa station de métro parce qu’elle était plongée dans The Wall). J’avais beau essayer, je ne pouvais pas un seul instant faire le saut en imagination qui m’aurait permis d’associer mes parents, des gens ordinaires, avec ce passé. Et franchement, aujourd’hui encore je ne peux pas. Le point le plus important, cependant, est ceci : à part cette présence fantomatique, je ne me souviens pas que l’holocauste nazi se soit jamais manifesté pendant mon enfance. La raison principale en était que personne, en dehors de ma famille, ne semblait se préoccuper de ce qui s’était passé. Mes amis d’enfance dévoraient des livres et discutaient passionnément de l’acutalité. Cependant, honnêtement, je n’ai pas le souvenir d’un seul ami (ou parent d’ami) posant la moindre question au sujet de ce que mon père et ma mère avaient subi. Il ne s’agissait pas là d’un silence déférent mais simplement d’indifférence. Dans cette optique, on ne peut être que sceptique devant les torrents d’angoisse des années suivantes, après l’établissement solide de l’industrie de l’holocauste. Parfois, je pense que la « découverte » de l’holocauste nazi par les juifs américains est pire que son oubli. Il est vrai que mes parents souffraient en silence ; les souffrances qu’ils avaient subies n’étaient pas reconnues publiquement. Mais cela ne valait-il pas mieux que l’exploitation actuelle, éhontée, du martyre juif ? Avant que l’holocauste nazi ne devienne l’Holocauste, il n’y avait eu que quelques études universitaires et quelques volumes de mémoires publiés sur la question, par exemple La Destruction des juifs européens de Raul Hilberg et Prisonniers de la peur d’Ella Lingens-Reiner. Mais cette petite collection de joyaux était plus précieuse que les rayons entiers de baratin qui tapissent aujourd’hui les bibliothèques et les librairies. À la fin de leur vie, mes parents, l’un comme l’autre, tout en revivant tous les jours le passé, et ce jusqu’à leur mort, avaient perdu tout intérêt pour le spectacle public de l’holocauste. Un des plus vieux amis de mon père était un de ses anciens camarades d’Auschwitz, un idéaliste de gauche, apparemment incorruptible, qui avait refusé le principe même des compensations allemandes après la guerre. Finalement, il devint directeur du musée israélien de l’holocauste, Yad Vashem. Malgré lui et avec une déception sincère, mon père en vint à admettre que même cet homme avait été convaincu par l’industrie de l’holocauste, qui avait façonné ses croyances sur le modèle du pouvoir et du profit. Au fur et à mesure que les représentations de l’holocauste devenaient plus absurdes, ma mère aimait à citer Henri Ford (avec une ironie volontaire) : « Foutaises que l’histoire ! » Les récits des « survivants de l’holocauste » – tous des détenus des camps de concentration, tous des héros de la résistance – étaient source d’un amusement désabusé à la maison. Il y a longtemps que John Stuart Mill a admis que les vérités qui ne sont pas sans cesse remises en question « cessent d’avoir l’effet de la vérité, et se transforment en mensonge à force d’exagération ». Mes parents s’étonnaient souvent que je sois tellement indigné par la falsification et l’exploitation du génocide nazi. La réponse la plus simple est qu’on l’utilise pour justifier la politique criminelle de l’état d’Israël et le soutien des États-Unis à cette politique. Il y a aussi un motif personnel : je m’inquiète du souvenir de la persécution de ma famille. La campagne actuelle de l’industrie de l’holocauste visant à extorquer de l’argent de l’europe au bénéfice des « victimes nécessiteuses de l’holocauste » a ramené les dimensions morales de leur martyre au niveau d’un casino de Monaco. Même en dehors de ces préoccupations, cependant, je demeure convaincu qu’il est important de conserver – de lutter pour – l’intégrité du récit historique. A la fin de ce livre, je suggérerai qu’en étudiant l’holocauste nazi, nous pouvons apprendre beaucoup non seulement à propos des « Allemands » ou des « Gentils » mais à propos de chacun de nous. Cependant, je pense qu’à cette fin, pour tirer un enseignement réel de l’holocauste nazi, sa dimension physique doit être réduite et sa dimension morale élargie. Trop de moyens publics et privés ont été investis dans la commémoration du génocide nazi. La majeure partie du résultat est dépourvue de valeur ; c’est un tribut non aux souffrances juives mais à la glorification juive. Le temps est venu depuis longtemps d’ouvrir nos coeurs aux souffrances du reste de l’humanité. C’est la leçon essentielle que ma mère m’a léguée. Je ne l’ai jamais entendue dire : « Ne compare pas. » Ma mère comparait toujours. Il est incontestable que des distinctions doivent être faites en histoire. Mais établir des distinctions morales entre « nos » souffrances et « les leurs » est un travestissement moral. « On ne peut pas comparer deux peuples malheureux, disait Platon avec beaucoup d’humanité, et dire que l’un est plus heureux que l’autre. » Face aux souffrances des Noirs américains, des Vietnamiens et des Palestiniens, le credo de ma mère a toujours été : nous sommes tous des victimes de l’holocauste. Norman Finkelstein Avril 2000 New York ...

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