Auteur : Mishima Yukio (Hiraoka Kimitake)
Ouvrage : L'arbre des tropiques Tragédie en trois actes (Nettaiju)
Année : 1960
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Acte 1. Scène 1. IKUKO Dans la chambre d’Ikuko, par un bel après-midi d’automne. Une cage à oiseaux dans un coin. Ikuko est au lit, assise, appuyée sur des oreillers. IKUKO Petit oiseau, mon gentil petit oiselet, ton dernier jour est venu. Passé ce soir, après tant d’agitation et de gazouillis, tu trouveras un bon sommeil paisible. Ton destin, un mois à vivre, j’en ai décidé quand on t’acheta chez le marchand d’oiseaux et quand on te mit dans cette cage. C’était à la fin de l’été ; le soleil qui baignait le jardin était encore chaud. Tu fus à moi avec tes jolis yeux et tes belles plumes… mais au moment où tu vins je décidai que je te laisserais vivre un mois seulement. Non pas de sang-froid, petit oiselet, et j’en ai souffert aussi, à mon habitude. En vérité, mon secret désir était de ne laisser à tous les oiseaux qu’on m’apportait qu’un nombre égal de jours à vivre… Mais si j’avais ainsi fait, n’aurait-on pas tout découvert ? Cette nuit, je te retirerai gentiment de ta cage, comme j’ai fait avec tous les autres. Je te serrerai entre mes seins chauds, pour que tu sentes la bonne odeur d’un corps de jeune femme, et quand tes paupières blanches se fermeront avec délices, de ces doigts que voici, je t’étranglerai. Tous les autres sont morts de la même façon, mon oiselet. Ma propre vie pourrait s’éteindre demain, mais chaque fois que je tue un oiseau il me semble que je prolonge un peu sa durée tremblotante. Il doit y en avoir eu près d’une dizaine, jusqu’ici… oui… sept… huit, tu seras le huitième. Faire qu’un oiseau devienne mou dans ma main et y meure, je suis heureuse d’être capable de cela au moins, avec le peu de force qui me reste… Dois-je dire ce qui arrivera après que tu seras mort, mon oiselet ? Je te remettrai doucement dans ta cage et je dormirai bien mieux que de coutume. Au matin, quand je m’éveillerai, j’entendrai ma tante me dire avec commisération : « Ton petit oiseau est mort, lui aussi. » Je pleurerai, j’appellerai tout le monde dans ma chambre pour que tous sachent l’événement de mauvais augure. Ils se lamenteront avec moi, ils chanteront ma chanson funèbre favorite. Dans leurs yeux je lirai : « Un autre petit oiseau est mort dans la chambre d’Ikuko. Pourvu que ce ne soit pas un signe fatal. » Je pleurerai à longueur de journée. Tout demain, je pleurerai avec un grand bonheur. ...
Demolins Edmond - Saint Louis
Auteur : Demolins Edmond Ouvrage : Saint Louis Année : 19881 Lien de téléchargement :...