Auteur : Orwell George
Ouvrage : Le quai de Wigan
Année : 1937
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Première partie. I. Le premier bruit du matin, c’était le pas des ouvrières et le son de leurs galoches sur la rue pavée. Avant, il y avait, sans doute, les sifflets d’usine, mais je n’étais pas réveillé pour les entendre. Nous étions la plupart du temps quatre à dormir dans cette chambre — et l’endroit était véritablement sinistre, avec cet air de précarité honteuse que l’on retrouve dans tous les lieux détournés après coup de leur destination première. Bien des années avant, la maison avait été une maison d’habitation comme tant d’autres. Mais, en la reprenant pour en faire une pension de famille et boutique de tripier, les Brooker avaient hérité de tout un bric-à-brac dont ils n’avaient jamais eu le coeur de se débarrasser. Nous couchions donc dans ce qui avait jadis été, selon toute évidence, un salon. Du plafond pendait un pesant lustre en verre disparaissant presque sous une véritable pelisse de poussière. Adossé à l’un des murs, qu’il écrasait de sa masse, se trouvait un meuble hideux, tenant à la fois du buffet et du porte-habits, couvert de moulures, de petits tiroirs et de bouts de miroir. Au sol, un tapis, évocateur de fastes passés, portait, comme autant de stigmates du temps, les empreintes circulaires d’innombrables seaux de ménage. Il y avait encore deux chaises dorées au siège éventré et un de ces antiques fauteuils en crin qui vous expédient illico à terre pour peu que vous tentiez de vous y installer. La pièce avait été transformée en chambre à coucher par la grâce de quatre lits crasseux casés tant bien que mal au milieu des autres épaves. Mon lit se trouvait à droite en entrant, dans le coin le plus rapproché de la porte. Il y en avait un autre, coincé tout contre le pied du mien — seule disposition possible si l’on voulait pouvoir encore ouvrir la porte. De sorte que j’étais condamné à dormir en chien de fusil pour épargner à mon voisin de solides ruades dans le bas du dos. Ce voisin, un certain M. Reilly, était un homme assez âgé, une sorte de mécanicien qui travaillait « au jour » dans l’une des houillères. Heureusement pour moi, il partait rejoindre son poste de travail à cinq heures du matin, ce qui me laissait deux heures où je pouvais enfin étendre les jambes et dormir à mon aise. Le lit d’en face était occupé par un Écossais, victime d’un accident de la mine : un bloc de roche l’avait cloué au sol et il avait dû attendre deux longues heures pour qu’on arrive à le dégager. Moyennant quoi, il avait touché cinq cents livres d’indemnité. ...
Aubert Edouard - La vallée d'Aoste
Auteur : Aubert Edouard Ouvrage : La vallée d'Aoste Année : 1860 Lien de téléchargement :...