Histoire Ebook

Auteur : Soral Alain
Ouvrage : La vie d'un vaurien
Année : 1991

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Paris, le 21 juillet 2001. Ce court roman édité pour la première fois dans l'indifférence générale en Juillet 1991, fut écrit dans la douleur entre 1988 et 1990. Il ressort aujourd'hui grâce, ou à cause, du relatif succès de mes autres livres publiés depuis, et d'un film sorti tout récemment au cinéma. Afin de mériter une nouvelle avance d'éditeur pour un travail déjà produit, une courte préface s'imposait, la voici : Déclassé de la moyenne bourgeoisie (successivement fils de notaire puis de taulard), je suis arrivé à Paris à dix-huit ans, sans argent, plein de cicatrices œdipiennes et d'espoir. De cet âge à trente ans, je n'ai fait littéralement que traîner dans la rue à la recherche d'aventures et de survie (cul, fêtes, bouffe, lit). Il faut dire que la vie était plus facile à la fin des années 70, même pour les marginaux qui pouvaient encore vivre des miettes des trente glorieuses en piaillant aux filles et fils de bonnes familles des ritournelles gauchistes à base de culpabilisation et d'incruste. J'ai senti personnellement ce confort disparaître autour de 1986. La trentaine a donc correspondu pour moi à un double durcissement de la réalité : la fin de ma jeunesse (et du relatif crédit qui lui est accordé) et la fin d'une époque. Sans avenir, sans moyens et sans projet social autre qu'une vague haine impuissante de la fatalité néo-libérale, je décidais le· jour de mes trente ans de mettre un terme à ma vie. Mais à l'heure choisie, terrorisé par la mort qui, quand on lui fait face, n'a plus rien d'une idée, je m'enfuis : aux Bains Douche. Dans cette discothèque, où j'avais abruti des milliers de mes nuits, en regardant les vieux beaux baver sur les jeunettes, je pris une décision : tacheter ma lâcheté en écrivant un livre sur ma vie, afin pensais-je à défaut de mort, de transformer la merde en or. Cette promesse-là, moins brutale que la première mais combien plu.s laborieuse à réaliser, je la tins. Après avoir vendu tout ce que je pouvais (essentiellement des vêtements), je parts pour la campagne comme gardien de château, pour. y écrire au calme ce fameux premier roman autobiographique que beaucoup ont écrit avant moi. Commencé sans plan initial (les chapitres me sont venus les uns après les autres), j'avais une idée très précise de la forme qu'il devait avoir et du style : un court roman très dense, sorte de long poème - ou plutôt chanson populaire à la musique désuète- contenant un Journal contenant un essai. Un roman à tiroirs pondu avec l'application d'un cancre qui écrit une lettre d'amour à sa petite amie; avec ce goût aussi du jeu de mot commun aux garçons vifs et roublards qu'on croise dans les cafés. Un roman écrit avec une âme d'essayiste amoureux de la poésie, qui se méfie des longues descriptions et· des Batteuses circonvolutions psychologiques. Attitude liée sans doute à la sensibilité objective du déclassé; une sensibilité double de nanti, contrainte par le fatum à une conscience aiguë des insupportables déterminations concrètes, qui l'apparente à celle du travailleur. Démarche opposée à la vogue actuelle du roman féminin (dont la régression «psy-cul» m'a tout l'air, à y réfléchir, d'une mesure d’accompagnement de la régression programmée de la conscience tout court...) En 1990, j'envoyais par la poste mon texte achevé au plus grand nombre d'éditeurs. Douze je crois m'envoyèrent des réponses négatives standards, plus une ou deux lettres très dures émanant de petites connes lectrices (genre nièce kagneuse du patron de la boîte) me conseillant sèchement d'aller tenter ma chance du côté des métiers manuels. Sur ce plan rien n'a changé depuis : avec la même rigueur sociologique, la même vision du monde m'attire la haine de ceux qu'elle montre du doigt. Quelques compliments quand même me revinrent de deux trois éditeurs désolés, avant que je parvienne, après pas mal d'intrigues, à me faire publier courant 91. Vains efforts, le livre ne se vendit pas5, et toujours poussé par la nécessité (les pépettes), j'abandonnai la littérature pour le journalisme sans omettre, pour me venger, d'entrer au Parti communiste. Voilà, ça fait dix ans tout juste. Ce petit roman oublié, je ne le renie pas, même s'il est certain que je ne l'écrirais plus comme ça aujourd'hui. Alain Soral. ...