Maurras Charles - Méditation sur la politique de Jeanne d’Arc


Auteur : Maurras Charles
Ouvrage : Méditation sur la politique de Jeanne d’Arc
Année : 1929

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Malgré Malherbe, beau poète, malgré Richer, bon historien, et Chapelain, mauvais poète, il faut avouer que nos ancêtres de la grande époque ont observé devant la chevauchée d’Orléans et de Reims, même devant le bûcher de Rouen, une attitude pieuse, mais contrainte. Cet objet extraordinaire les frappait d’un étonnement immobile. Nous avons été tirés de cette stupeur par les dures commotions qui se prolongent en nous depuis cent quarante ans. Si le désespoir d’égaler la parole à la réalité put imposer quelque silence à nos pères, l’aiguillon des maux publics a ému nos contemporains dans la direction du « haut miracle » dont ils apprenaient le désir. Tant que la France, heureuse, a été retenue ou est revenue vite dans les voies de son développement ordonné, elle paraît s’être montrée assez oublieuse, sinon tout à fait ingrate envers Jeanne. Mais, aux jours difficiles, quand il a fallu se ressaisir et se rassembler, le souvenir de la Libératrice a été réveillé par la force d’affinités, reconnues et senties jusqu’à l’âme, entre la paisible guerrière et les claires images des misères de notre temps. Nos épreuves ont fait voir cela peu à peu. Elles ont opéré comme le statuaire qui frappe la pierre à grands coups pour en faire sortir une ressemblance divine. Plus les misères qui avaient suscité et appelé la Pucelle se sont renouvelées, plus nous avons dû soupirer après le retour de la forte vertu et du bienheureux sacrifice qui, d’Orléans à Reims et de Reims à Rouen, finirent par fructifier dans le règne Victorieux. Notre soupir disait à la jeune fille vêtue en chevalier, brandissant l’épée innocente : — Comme tu répètes mon rêve ! Comme j’aime et honore le meilleur de moi dans ton cœur ! L’honneur que rend un peuple aux hautes parties de lui-même ne saurait se confondre avec le culte béat décerné en bloc à ses éléments quels qu’ils soient. Ces apothéoses, ces canonisations de la multitude ne choisissent guère ! Ici, l’Église et la Patrie ont cueilli la fleur de la fleur. Mais cette fleur est vraie. Elle porte avec soi le charme de son naturel. Les senteurs du terroir s’en exhalent avec une force hardie, une émotion tranquille, une profonde et persistante fidélité. Cette image historique tendra donc nécessairement à s’élever de plus en plus au rang de modèle et de loi. Mais de loi juste, de modèle mesuré et humain. Peut-être un jour pourra-t-on dire qu’après nous avoir délivrés d’un joug étranger l’héroïne nous a légué une pensée qui nous défend et qui nous sauve d’autres périls qui ne sont pas non plus de chez nous : fausses vertus ou faux progrès, développements artificiels, plans de réformes prétendues, mais incompatibles avec l’être de la Patrie. D’ores et déjà, la connaissance exacte du personnage de Jeanne d’Arc porte son grand bienfait car elle nous permet de distinguer ce que les orateurs révolutionnaires et les historiens romantiques ont pitoyablement confondu. Cette héroïne de la Nation n’est pas l’héroïne de la Démocratie. Tout autorise et tout détermine aujourd’hui à dégager fortement cette différence, hors de laquelle il n’y a qu’oubli, déviation complaisante, ou déduction d’erreurs de fait. Cette belle enfant de la France était-elle seulement une fille du peuple au sens de l’ignorance, de l’inculture, de l’inéducation que postule cette épithète ? La vérité de l’histoire n’est guère favorable à l’intérêt de classe et de faction qui ne peut qu’affadir la personne de Jeanne d’Arc. Sa vraie figure serait plutôt celle d’une petite bourgeoise française, de cette bourgeoisie rurale qui composait, qui forme encore le plus touffu et le plus vivace élément du pays : classe moyenne très étendue, si étendue qu’il n’y eut jamais beaucoup de « peuple » en France ; classe surtout conservatrice, car rien n’a duré sans elle ; classe révolutionnaire, car rien n’est fait d’un peu neuf, ni un peu vivement, sans son concours actif. Jeanne en était si bien, elle était si peu adhérente à ce que nous appellerions à contre-sens soit un prolétariat flottant et sans racine, soit une paysannerie asservie, qu’on lit distinctement dans sa pensée et dans son cœur, les trois idées directrices de l’ancien Tiers-État français : le Patrimoine maintenu et la Patrie sauvée par la Royauté rétablie. ...

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